Alors que la finance verte s’impose comme un enjeu crucial pour un avenir durable, la Tunisie se retrouve à la traîne en matière d’obligations vertes. Ahmed El Karam alerte sur l’absence de mécanismes réglementaires et d’émissions d’obligations qui pourraient soutenir les initiatives écologiques du pays. Dans un contexte où les défis environnementaux sont pressants, comment la Tunisie peut-elle mobiliser ses ressources financières pour investir dans une transition énergétique nécessaire et respectueuse de l’environnement ?
Lors de la 7e Université d’été récemment organisée par l’Association tunisienne pour la culture financière, sous le thème «Standards bâlois et nouveaux risques : approche tunisienne», l’expert financier et président d’honneur de l’association, Ahmed El Karam, a exprimé de vives préoccupations concernant les obligations vertes en Tunisie. Bien que des textes réglementaires existent depuis plus de cinq ans, aucun acteur, qu’il s’agisse de banques ou d’institutions, n’a encore émis d’obligations vertes dans le pays.
Dans ce contexte, El Karam a souligné que, bien que la Banque centrale de Tunisie montre des signes d’engagement envers l’économie verte, ces efforts restent insuffisants face à l’urgence des défis environnementaux.
El Karam a mis en avant le coût du retard pris dans la transition énergétique de la Tunisie. En tant que signataire des accords de Paris, le pays a l’obligation d’agir face aux enjeux climatiques. Cependant, il fait face à une crise énergétique majeure : 62% de son déficit commercial proviennent des importations de pétrole et de gaz. En 2024, la facture énergétique atteindra 7 milliards de dinars, un montant qui continue d’augmenter avec les révisions des prix de l’électricité. Par ailleurs, la caisse de compensation finance 75% des subventions aux carburants, représentant un coût de 8 milliards de dinars par an.
Selon El Karam, cette situation pèse non seulement sur l’économie tunisienne, mais entraîne également des conséquences néfastes sur l’environnement. L’expert a également précisé que, bien que le pays bénéficie d’un ensoleillement exceptionnel avec environ 130 jours de soleil par an, il n’exploite que 3% de son potentiel en énergie solaire, alors que la moyenne mondiale s’élève à 35%. Ce manque d’exploitation des énergies renouvelables constitue un réel paradoxe pour une nation dotée de tels atouts naturels.
Pour remédier à cette situation, El Karam a formulé plusieurs propositions. Tout d’abord, il a souligné l’importance d’encourager l’émission d’obligations vertes. Selon lui, la Banque centrale doit prendre l’initiative d’émettre des obligations vertes, accompagnées d’incitations fiscales pour favoriser l’investissement dans les projets d’énergie renouvelable. De plus, il est essentiel de soutenir les entreprises éco-responsables. A cet égard, la Banque centrale doit promouvoir le refinancement des banques et des entreprises engagées à réduire leurs émissions de gaz à effet de serre, en instaurant une fenêtre de financement spécifique, similaire à celle mise en place pendant la pandémie du Covid-19.
El Karam a également précisé que les entreprises devraient être tenues de déclarer leurs émissions de gaz à effet de serre et de soumettre des plans pour les réduire. Un cadre réglementaire devrait conditionner le financement bancaire à la présentation de ces rapports.
Par ailleurs, il a souligné la nécessité pour les banques de réaliser des tests de résistance sur le coût du risque climatique, afin de fournir à la Banque centrale une meilleure visibilité sur l’exposition des différentes institutions financières à ce risque. Pour El Karam, la sensibilisation à la finance verte est aujourd’hui primordiale. Il a ainsi appelé les banques à créer des cellules dédiées pour informer leurs clients sur l’importance des risques climatiques. Une meilleure sensibilisation pourrait inciter les clients à adopter des comportements plus durables.
«Il est impératif de créer un marché carbone en Tunisie. Un marché bien structuré permet d’encadrer et de favoriser les initiatives environnementales, plutôt que de se tourner vers une taxe carbone, qui pourrait être mal perçue», a-t-il affirmé.
En somme, El Karam a souligné que la question des obligations vertes en Tunisie constitue un défi pressant nécessitant des actions concrètes et urgentes. L’engagement de la Banque centrale et des acteurs économiques est crucial pour assurer une transition vers une économie plus verte. En investissant dans les énergies renouvelables et notamment les émissions de gaz à effet de serre, la Tunisie peut non seulement respecter ses engagements internationaux, mais également améliorer sa situation économique et environnementale.